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La lettre stratégique du camarade Churchill

12 octobre 2015

Lettre du 07 octobre 2015: Qui sont les Russes aujourd'hui?

Le camarade Churchill a terminé une journée harassante à la chambre des Communes en feuilletant un intéressant ouvrage écrit en 2006, "Qui sont les Russes", aux éditions Max Milo, de Alla Sergueeva, professeure de linguistique qui a enseigné le Russe aux étudiants étrangers à Moscou, en Pologne et au Vietnam. L'ouvrage semble a voir été écrit au moment critique d'un déclin de l'enseignement de la langue russe à l'étranger, ce qui peut se comprendre. L'auteure a cherché à expliquer, au delà du simple enseignement de sa langue natale, à redorer le blason de son pays en Europe en tentant d'expliquer qui sont ses concitoyens. Comme l'art de se poser en juge lorsque l'on est soi même partie est toujours difficile, voire impossible, le résultat est loin d'être à la hauteur de ce qu'un lecteur souhaitant sortir des écrits de vulgarisation pourrait en attendre. Par ailleurs, les faits de politique internationale depuis quelques années qui ont directement impliqué la Russie n'ont pas forcément amélioré l'image de la Russie à l'étranger. Seuls, ceux qui ne voyagent jamais dans les pays ex satellites de l'URSS ne peuvent s'en apercevoir....

Non, les Russes d'aujourd'hui ne sont pas si différents de ceux de l'URSS d'hier, ni de ceux de l'empire des Tsars! L'auteure donne une image idyllique d'un peuple souvent violent, dominateur et exagérément impulsif, mais indolent et sans esprit d'initiative, trop souvent replié sur la période communiste et les héritages ataviques des époques tsaristes, affreusement penché sur l'alcool et le passé, et incapable de comprendre dans leur globalité les changements du Monde survenus depuis 25 ans. Lorsque l'on sait que 73 pour cent de la population russe n'a jamais voyagé hors des anciennes frontières de l'URSS, et que les médias russophones contrôlés par le gouvernement fédéral russe composent 91 pour cent des sources médiatiques d'information sur l'actualité dans le monde en Russie, on ne peut donc se surprendre de ces constats.
Critique à l'égard des Européens et des Nord Américains (qu'au demeurant, elle ne semble pas si bien connaître: 15 jours à Paris dans des conférences n'est pas connaître la France), l'auteure tente, au travers d'un style superficiel et sans mesure, d'une argumentation sans méthodologie, et d'un vocabulaire et d'une sémantique assez pauvres, de convaincre que les Russes d'aujourd'hui sont intrinsèquement bien plus positifs que ce qu'ils sont dans la réalité des affaires, et que leur comportement assez choquant à l'étranger, notamment à titre touristique, n'est qu'un quiproquo continuel sur lequel s'arc-boutent de façon permanente des Occidentaux aussi peu tolérants que culturellement affaiblis.
Il existe un autre ouvrage datant de 1969 bien plus performant dans le domaine, et d'une pertinence plus objective, écrit en URSS par Georges Bortoli, excellent journaliste français, dont le titre est: "Vivre à Moscou". J'y ai retrouvé les vraies images de la Russie dans laquelle j'ai travaillé ces dernières années: de l'URSS à la Russie d'aujourd'hui, les différences des Russes ne sont qu'anecdotiques. Du Caucase au frontières avec la Finlande et l'Estonie, de l'Ukraine à la Géorgie, de l'Arménie à la frontière polonaise, il est aisé de comprendre pourquoi les Russes ne se font pas d'amis chez les peuples qui ont eu à souffrir de leur domination depuis des siècles. L'atavisme hérité des siècles d'invasions mongoles a laissé de pesantes traces, et la répulsion éprouvée par les peuples baltes, géorgiens, polonais, ukrainiens, tchétchènes, moldaves, tatars, roumains ou arméniens envers les Russes ne sont que le reflet de cette hégémonie qui fut toujours affirmée de façon sanglante sous les tsars et les dirigeants communistes depuis au moins 3 siècles. Les Russes ont des physiques d'Européens, mais raisonnent politiquement et intellectuellement en Asiatiques. La situation en Tchétchénie il y a 15 ans et en Ukraine orientale en est un exemple....
Cet ouvrage oublie par ailleurs de façon magique d'aborder les questions aussi tragiques que structurelles qui menacent la théorie développée au fil de ses pages: Selon les Nations Unies, plus de 2 millions de citoyens russes ont définitivement quitté la Russie entre 2003 et 2013 pour s'installer à l'étranger. Sur cette même période, 3 millions d'entrepreneurs russes ont fait l'objet de poursuites criminelles en Russie ou à l'étranger. Environ 500 000 citoyens russes décèdent chaque année à cause de l'alcoolisme, et 40 000 à 70 000 (chiffres non consolidés officiellement) décès à cause de la droque. Chaque année, 35 000 Russes se tuent sur les routes, pour une population qui est le double de la France! Les conditions météorologiques et le mauvais état des infrastructures routières ne sont pas les seules causes de tous ces accidents. La violence routière est de loin une des plus importantes au monde, en compétition avec le Brésil... Il suffit de voir le nombre d'automobilistes qui se chamaillent aux carrefours dans les villes russes, à coup de battes de base ball ou de hache de bûcheron, sans parler de tous ceux qui conduisent avec un degré d'alcoolémie tel, qu'il mettrait en coma éthylique un individu issu d'un autre pays.


En 1980, l'URSS avait le tiers du PIB des USA, avec une population de 300 millions d'habitants, et 27 000 têtes nucléaires dans ses arsenaux suréquipés.
En 2015, la fédération de Russie compte 142 millions d'habitants, 1500 ogives nucléaires, et un PIB 15 fois inférieur à celui des USA.
Pour la première fois dans l'histoire, le PIB par habitant de la Chine (1,3 milliards d'habitants) a dépassé celui des Russes.
Les estimations des économistes de la banque mondiale pour 2016 fixeraient un PIB qui tomberait à 500 milliards de dollars, soit celui du niveau de la Belgique (11 millions d'habitants)!
En deux ans, l'action Gazprom est tombée de 24$ à 3,5$. Le PIB de la Russie tombe cette année au 16ème rang mondial.
Tributaire de ses revenus majoritairement d'origine pétrolières, la Russie n'a jamais su développer ni reconvertir son tissu industriel. Hormis le complexe militaro industriel préservé à coups de gigantesques subventions étatiques, elle ne fabrique ni biens de consommation courante, ni biens d'équipement, ne produit pas suffisamment de médicaments, de fruits et légumes, de viande, de pièces détachées pour l'industrie automobile ou aéronautique. Capable de produire 50 000 chars de combat dans ses arsenaux d'Etat à la fin de la guerre froide, premier exportateur d'armement dans le monde en termes de quantité d'armements devant les Etats Unis, elle n'a jamais été capable d'adapter son outil industriel de production automobile aux évolutions technologiques. L'exemple des voitures Lada en est un reflet. Son réseau ferroviaire est obsolète et mal entretenu, son réseau routier est insuffisant et souffre de sérieuses lacunes d'entretien, aggravées par des conditions météorologiques difficiles, et son réseau de transport aérien ne répond pas aux normes de sécurité internationales.

Par ailleurs, l'industrie agro alimentaire est embryonnaire et les produits alimentaires transformés sont majoritairement importés d'Europe, de Turquie, ou des anciennes républiques d'URSS. 
On ne reviendra pas sur d'autres chiffres tout aussi inquiétants: en matière de corruption, la Russie se situe au 136ème rang mondial, ex aequo avec le Nigéria. Au niveau des pays de l'OCDE, la Russie est en tête en matière de brutalités conjugales et d'homicides au sein de la cellule familiale.
Tous ces chiffres n'ont certes pas de corrélation avec l'idée maîtresse de cet ouvrage, mais ont pour objet de rappeler que, contrairement aux propos tenus par l'auteure, la Russie est loin d'être le paradis qu'elle prétend maladroitement décrire. Passer un réveillon à Moscou ou une semaine à St Pétersbourg n'est pas connaître la Russie.

Comme disait le camarade Churchill: "Dans les pays occidentaux, il y a trop de voitures. Tandis qu'en URSS, il y a trop de parkings vides!"

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12 septembre 2015

Lettre du 11 septembre 2015: L'Europe perd encore une manche dans la partie d'échec face à la Russie.

La presse vient de feindre de s'étonner, ce jour, d'une possible participation de militaires russes en Syrie pour appuyer les troupes gouvernementales de Bachar Al Assad. Au delà du caractère émotionnel des titres, et de l'approximation délirante d'articles tirés de dépêches d'agence rédigées par des stagiaires au coin d'une terrasse de restauration rapide, il demeure nécessaire de rappeler que le soutien militaire de la Russie au régime alaouite remonte aux années 60, du temps de l'URSS, qui appuyait à l'époque les régimes arabes (Egypte, Syrie, Irak, Algérie...) dans leurs guerres contre Israël en leur fournissant tout l'armement et les matériels majeurs indispensables à leurs forces armées de l'époque, ainsi que le soutien technique adapté en moyens humains.

Depuis la chute de l'URSS, le déclin tragique du complexe militaro industriel soviétique, partagé géographiquement entre ses trois républiques les plus importantes en matière d'industries de défense (Russie, Ukraine, Biélorussie), a incité les autorités russes à garder à tout prix des rentrées conséquentes de devises en maintenant autant que possible les exportations envers les anciens "pays frères". La Syrie en fait partie.

Certains éditorialistes ont oublié qu'en septembre 1990, la Syrie, alors dirigée par Hafez Al Assad père, a accepté d'envoyer une division mécanisée au sein de la coalition internationale en Arabie saoudite, alors sous commandement américain du général Norman Schwarzkopf, lors de l'opération "Tempête du désert" qui a suivi l'invasion du Koweït par l'armée de Saddam Hussein en août 1990. Equipée 100% de matériels soviétiques (parfois un peu désuets et mal entretenus), cette division syrienne, forte de 7000 hommes environ, a tenu son secteur de la ligne de front face à l'Irak aux côtés des Américains, des Britanniques, des Saoudiens, des Egyptiens, des Français, des Marocains, des Jordaniens, des Tchèques...et même des Sénégalais. Personne à l'époque n'a poussé des cris d'orfraie, bien au contraire, puisqu'il y avait une résolution contraignante du conseil de sécurité des nations unies, à laquelle personne n'a opposé de veto. Hafez Al Assad, en tant que dirigeant alaouite d'un pays voisin de l'Irak, ne pouvait cautionner la politique expansionniste de Saddam Hussein. Tout le monde à l'époque y trouvait son compte.

la logique stratégique russe en Syrie est relativement simple, surtout constante et se veut d'une cohérence stratégique fondamentale. Elle rejoint celle des tsars au XIXème siècle, et celle de Staline au XXème siècle: garder un accès aux mers chaudes, et une porte sur la Méditerranée via la mer Noire. Le base navale russe de Tartous en Syrie en fait partie. Reprocher aujourd'hui à la Russie d'assurer ses contrats de soutien des systèmes d'armes vendus à la Syrie il y a 10, 20 ou 30 ans reviendrait à reprocher à Mercedes et BMW de vendre des pièces automobiles aux concessionnaires et distributeurs de la marque en Crimée ou dans l'Oural! Pour cette raison, la Russie ne peut totalement perdre l'Ukraine, et certainement pas la Crimée! Ayant déjà perdu les Pays baltes, la Géorgie, et les satellites du Pacte de Varsovie du temps de l'URSS (Roumanie, Bulgarie, Moldavie), elle ne peut accepter de perdre encore, au profit des Américains devenus les champions mondiaux de la déstabilisation régionale un peu partout dans le monde depuis la guerre du Vietnam, ou au profit d'une Europe devenue davantage le valet des Etats Unis qu'un garant de l'intangibilité des frontières sur le continent européen et des valeurs démocratiques.

L'ancien conseiller à la sécurité nationale du président Carter, Zbigniew Brzezinski, né en Pologne en 1928, disait que "Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire". Et c'est bien dans ce but que Poutine n'a pas été soigneusement choisi en 1999 par Yeltsine et les dirigeants russes de l'époque par hasard, mais bien pour sauver et préserver cet empire au lendemain de la chute de l'URSS en 1991 et de la terrible crise économique russe de 1998...

En revanche, les palinodies et les erreurs d'appréciation du président Hollande face à la Russie et à la Syrie éloigne un peu plus la France d'un échiquier dans lequel elle n'a jamais été performante depuis la fin des années De Gaulle. Poutine, en bon joueur d'échec, a mis en exercice une célèbre phrase de De Gaulle: "On ne fait pas une politique étrangère avec des sentiments, on fait une politique étrangère avec une stratrégie!". C'est toute la différence avec les réactions émotionnelles biaisées de nos deux compères Hollande et Sarkozy, rampant en file indienne derrière la chancelière allemande Angela Merkel, et aussi doués l'un que l'autre dans la procrastination stratégique de ce cruel atavisme français du XXème siècle: "Toujours une guerre de retard". L'opération tragi-comique de la vente annulée des deux navires de projection et de commandement par l'Etat français à la marine russe n'en est qu'un emblématique exemple.

"Einen Tag früher oder einen Tag zu spät, ist die Schlacht verloren" comme dirait Clausewitz...

Entre la triste et récente pantalonnade de la 3 ème crise financière grecque, où 10 millions de Grecs auront pris avec succès en otage 500 millions d'Européens, tout en réussissant le hold up du siècle; et la crise actuelle de centaines de milliers de migrants que nos dirigeants bisounours n'ont pas voulu voir venir depuis qu'elle a débuté en 1999 avec les conflits des Balkans, l'Europe plus que jamais désunie, et la France, désarmée délibérément depuis trente-cinq ans, ne pèseront pas lourd dans cette nouvelle guerre plutôt tiède que froide. 

La mésentente grandissante dans l'union europénne pourrait même signer le retour probable à son morcellement, voire son dépeçage: trop grosse pour être avalée d'un seul morceau, l'Europe se rend cependant comestible quand elle se décompose en petites bouchées (1918 traités de Versailles et de Trianon - 1945 traités de Yalta et de Potsdam). La Russie vise le rivage des Syrtes dans son ensemble  (la mer Noire) , Washington à affaiblir davantage l'Europe occidentale sur le plan influence politique, tout en lui imposant aimablement de rester un client économique docile. L'affaire des migrants et son arme de destruction massive du Cheval de Troie en sont un des leviers...
Après l'embargo économique européen pour asphyxier la Russie, celle-ci  se rit de voir l'Europe s'asphyxier à son tour sous le chantage et la faillite grecques, sous les atermoiements de ses principaux dirigeants englués dans la bureaucratie européenne, et sous les invasions de migrants, lesquelles vont probablement, par appel d'air, augmenter de façon exponentielle dans les mois et les années à venir. Et ce ne sera pas que la Syrie....
Comme disait Churchill: "Ce n'est pas le début de la fin, mais c'est certainement la fin du début! "

 

 

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